Le Gouvernement dit faire de la santé mentale la « grande cause nationale de 2025 ». Dans un contexte de mépris et de répression de la jeunesse, de destruction des services publics et des nouvelles annonces d’économies, qui pourrait le croire ?
D’après un sondage Ipsos de mars 2025, 45% des adolescents seraient potentiellement concernés par des troubles de l’anxiété et 40% des adolescents seraient potentiellement concernés par des symptômes dépressifs plus ou moins sévères.
A l’heure où on recense 350 plans de licenciements, 200 000 emplois menacés et une hausse de chômage de 12,8 % sur une année, ériger la santé mentale comme “Grande cause nationale” apparaît donc comme une stratégie politique plus ou moins subtile visant à déplacer la responsabilité de certaines problématiques sociales (précarité, chômage, mal-logement, etc.) vers une approche médicale plutôt qu’économique ou sociale. En mettant l’accent sur la santé mentale, le gouvernement semble ainsi éviter d’engager des réformes structurelles coûteuses tout en affichant une volonté d’agir.
De plus, la dégradation de la santé mentale en France, en particulier chez les enfants et les adolescents a certes été exacerbée par la pandémie de COVID-19, mais elle est également le résultat d’un déficit de prise en charge des structures hospitalières, médico-sociales et scolaires. En effet, plusieurs rapports, dont ceux de l’INSERM, de l’IGAS, de la Cour des Comptes, et du Défenseur des Droits, soulignent une offre de soins pédiatriques, pédopsychiatriques, psychiatriques et médico-sociales en net recul, incapable de répondre aux demandes de soins dans des délais raisonnables.
La FNEC FP-FO refuse d’être associée à une transformation de la santé scolaire pour masquer le manque de moyens, répondant à l’appel de l’effort de guerre du Président de la République. C’est encore une fois l’austérité qui influencera les choix politiques au détriment de la santé scolaire qui doit être basée uniquement sur les besoins de tous les élèves (1er degré et second degré) avec des services complémentaires comprenant des personnels qualifiés, avec un statut, en nombre suffisant.
La FNEC FP FO refuse la mutualisation des moyens d’infirmières scolaires, de médecins scolaires, d’assistantes sociales et de PsyEN et l’interchangeabilité de ces corps. Les projets ministériels remettent en cause les statuts et leur cadre national pour faciliter la décentralisation mais sans répondre aux revendications en termes de postes et de moyens des structures publiques de santé mentale (CMP, CMPP…).
C’est parce qu’elle refuse de cautionner cette mascarade que la FNEC FP-FO a boycotté les assises de la santé scolaire organisées par la Ministre Borne.
Comme il est précisé dans la note de synthèse du bureau du CESE, la problématique de la santé mentale ne peut être abordée que de façon globale en lien avec les différentes dimensions de la santé telles que définie par l’OMS qui inclut les dimensions bio-psycho-sociale. Il est à noter que le site amelie.fr dans sa section « professionnels pour parler des difficultés psychiques » indique en premier l’infirmière et l’assistant social scolaire comme personnel ressource.
En ce sens l’impossibilité faite à la représentante de notre syndicat nationale d’AS de prendre la parole est incompréhensible et infondée.
De nombreuses études et enquêtes témoignent de la dégradation de l’état de la santé mentale chez les jeunes collégiens, lycéens et étudiants. Parmi cette population on constate que la moitié des mineurs de l’aide sociale à l’enfance souffre de troubles psychiques souvent en conséquence des traumatismes vécus. C’est cinq fois plus que la moyenne nationale. L’impact des conditions de vie sociales et familiales sur la santé mentale est indéniable.
Si nous ne pouvons que nous satisfaire des politiques de prévention menées dans les établissements scolaires qui permettent aujourd’hui de repérer davantage les situations de maltraitance et d’abus sexuels, nous ne pouvons que regretter que les prises en charge psychologiques deviennent de plus en plus difficiles d’accès. Comment croire que des enfants confrontés à l’inceste, au viol, aux coups ou à l’abandon puissent, sans suivi psychologique, laisser derrière eux ces traumas et s’épanouir ?
Or face au repérage accru des élèves en souffrance psychique, que constatons nous ?
– Un accès aux soins psychiques de plus en plus compliqué en raison du manque de personnels soignants, au manque de lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie ce qui génère des files d’attente pour tout le secteur public
– Une réduction des droits de prise en charge des frais de transport pour les consultations, une évolution particulièrement pénalisante pour les jeunes en milieu rural déjà confrontés à la couverture insuffisante du réseau de transport en commun
– Le dispositif « Mon soutien psy » est peu utilisé par le manque de professionnels qui s’y inscrivent et ne correspond pas aux besoins des patients. Ce dispositif est inefficace : nombre de psychologues engagés dans ce dispositif souhaitent en sortir. En moyenne, les patients ne viennent qu’à trois ou quatre séances sur les dix. Ils ne s’engagent pas dans un réel travail psychothérapeutique.
Ainsi que l’observe le psychiatre Mathieu BELLANSEN lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021, « les politiques publiques, dans une logique néolibérale, abandonnent les soins au profit du diagnostic et de l’évaluation et laissent les institutions censées accueillir les plus
vulnérables dans un état de défaillance dramatique ».
Et dans l’EN, Que constatons nous ?
– Une baisse constante des effectifs de médecins scolaires : plus de 40% des postes non pourvus, des départements sans aucun médecin scolaire
– 1400 personnels Psy En en moins en 40 ans dans le second degré. 125 postes de PsyEN dans le 1er degré restés vacants depuis 2021 (sur les 147 places du concours 2025, 41 non pourvus !)
– Pour les infirmières, le nombres de postes ouverts est insuffisant pour couvrir tous les postes vacants
– Le refus du MEN de créer massivement des postes d’AS, INFENES, de médecins
– Le refus du MEN de revaloriser les grilles indiciaires de ces personnels
Pire ce refus de financer les professionnels de la santé scolaire conduit le ministère à confier les missions de repérage, d’accompagnement à d’autres personnels :
Il va ainsi du protocole de secourisme en santé mentale publié par le MEN. Ainsi la lettre de mission type leur demande de « porter une attention toute particulière aux signes de mal être (…) de prendre en considération les spécificités du risque suicidaire ». Pour la FNEC FP FO, cette mesure aboutit à
confier à des personnels non qualifiés des prérogatives médicales avec les conséquences que cela implique en termes de responsabilité tout en générant des risques réels pour les élèves susceptibles d’être mal orientés.
Il va ainsi des mesures annoncées par E. BORNE lors des assises de la santé scolaire le 14mai :
La formation des personnels de direction, des IEN via la plateforme M@gistère, une banque de données ne peut évidemment pas être considérée comme une formation digne de ce nom
Ce n’est pas l’annonce de coupe-file pour orienter prioritairement les élèves les plus fragiles vers les maisons des adolescents qui augmentera la capacité d’accueil de ces structures déjà submergées par le nombre de patients en attente de rdv.
Le projet de former des élèves, de les sensibiliser à la problématique de santé mentale nous parait même dangereux tant pour ceux susceptibles de dispenser un rôle de détecteur que pour ceux susceptibles d’en bénéficier.
L’école n’a pas besoin de référent sans qualification qui vont d’une situation d’urgence à une autre.
L’école ne peut se contenter de ne faire que du repérage sans proposer d’accompagnement et de soutien en son sein par les professionnels déjà existants, compétents, mais en nombre largement insuffisant.
Il ne suffit pas de repérer et d’orienter, il faut des personnels en postes dans l’EN et à l’extérieur pour les accueillir, évaluer, soutenir, accompagner.
C’est pour ça que pour la FNEC FP FO, la prise en compte de la détresse de la jeunesse scolaire, passe nécessairement par l’injection de moyens dans le MEN en termes de :
– Créations massives, de postes ;
– Revalorisation indiciaire conséquente ;
– Remboursement de tous les frais de déplacement nécessaires à l’exercice des missions des personnels de la santé scolaire ;
– Formation continue plus adaptée.
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