Une délégation composée de quatre militants de la FNEC FP-FO a été reçue au ministère le jeudi 24 avril 2025. Cette audience faisait suite à une première audience reçue le 17 mars 2025 et aux deux rassemblements au ministère des 15 mars et 2 avril 2025.

Un représentant du secrétariat fédéral de la FNEC FP-FO a introduit le propos : nous sommes une délégation de la FNEC FP-FO venue porter les revendications des personnels. Nous relayons également la colère qui s’exprime dans des comités de défense de l’école qui se sont constitués dans les départements et qui regroupent les personnels avec leurs organisations syndicales, les parents d’élèves avec leurs associations, les élus locaux. Tous refusent le budget d’austérité que proposent le gouvernement Bayrou et la ministre Borne à l’Education nationale. Un courrier intersyndical national a été envoyé. Toutes les organisations syndicales pointent le manque de postes et revendiquent les créations nécessaires. Elles soutiennent toutes les mobilisations en cours.

Nous avons d’ailleurs appris récemment que 9,4 milliards des fonds de réserve dans les ministères avaient été préemptés sur décision de F. Bayrou pour le budget de guerre. A combien cette confiscation s’élève pour l’Education nationale et avec quelles conséquences ? Nous refusons ce choix d’économie de guerre. L’argent pour l’Ecole et les services publics, pas pour la guerre !
La situation de l’Ecole est catastrophique et votre budget va encore l’aggraver.

Dans le premier degré, 470 postes sont supprimés. Il faut ajouter 200 postes supprimés de plus pour alimenter les Pôles d’appui à la scolarité (mesure qui aggrave les PIAL et vise à renforcer la logique d’inclusion systématique que nous combattons).
Dans le second degré, 324 postes sont créés mais 542 doivent être utilisés pour l’élargissement du « choc des savoir » en 4ème te 3ème, réforme rejetée par tous et que nous combattons.

Aucune création de postes de personnels infirmiers, assistants sociaux, psyEN, médecins, personnels administratifs, d’encadrement… alors que les besoins sont énormes.
Pas de créations de postes spécialisés alors que 24 000 élèves devraient être accueillis dans les établissements sociaux et médico-sociaux et n’y sont pas faute de place. Pire, ces établissements sont menacés, on le verra à travers une situation concrète au Havre.

Nous vous avons transmis des dossiers précis pour illustrer le fait que cela ne tient pas, que le compte n’y est pas et que l’enveloppe budgétaire doit être revue à la hausse. Nous n’avons eu à ce stade aucun retour. Nous venons vous porter aujourd’hui de nouvelles situations. Nous exigeons des réponses. La colère des personnels et des parents d’élève est grande.

Réponse du MEN : Il y a un effort budgétaire important. On donnera en temps et en heure le montant de ce qui doit être rendu par le fonds de réserve mais il est peu important à l’échelle du budget et n’aura aucun impact sur les mesures annoncées. On ne s’accorde pas sur l’appréciation d’effectif trop important dans les classes. Depuis 40 ans, le nombre d’élèves par classe a considérablement diminué.
Il y a 100 000 élèves de moins à la rentrée et nous restons à l’équilibre en poste. Des moyens sont alloués à l’école inclusive. Il y a par exemple actuellement 200 PAS qui ont été créés et il y en aura 500 à la rentrée. Nous voulons également renforcer les brigades de remplacement du 1er degré.

Une représentante du comité de la Haute-Garonne prend la parole pour illustrer avec la situation de son département ce qui est vécu par tous les personnels dans le premier degré :
Je vais revenir sur la situation du 1er degré, vous verrez que nous ne sommes pas d’accord, vous vous basez sur une logique mathématique, nous nous basons sur le terrain. Dans la Haute-Garonne, l’ancien secrétaire général avait indiqué qu’il faudrait 700 postes d’enseignants pour le département afin de mettre en œuvre toutes les mesures prévues lors du 1er quinquennat (CP, CE1 dédoublés, GS à 24). Nous en sommes loin, chaque année c’est une vingtaine de postes qui sont donnés, et cette année c’est pire, ce sont 2 postes en moins.

Dès la rentrée, c’est 130 postes qui étaient vacants et les remplaçants étaient positionnés dessus dès le 1er septembre, le département n’ayant plus de TR pour des remplacements courts. Malgré cette situation, il a fallu une forte mobilisation pour que soient recrutées les listes complémentaires, alors même que notre académie n’a pas de problème d’attractivité, nous ne manquons pas de candidats au concours, et la dernière liste complémentaire recrutée l’a été avec une moyenne de 13. Le recrutement des LC n’a pas suffi. En octobre c’est plus de 200 classes par jour qui n’étaient pas remplacées et en février plus de 300.

Au problème de remplacement s’ajoutent des écoles avec des IPS très faibles qui devraient pouvoir bénéficier des mêmes moyens que les REP et REP+ mais n’y ont pas droit.
Pas une école n’est désormais épargnée par le problème de l’inclusion, avec des élèves en attente de places en ESMS (établissements sociaux et médico-sociaux).
Dans cette situation la nouveauté c’est que désormais la hiérarchie ne prétend plus que tout va bien, le DASEN comme le Recteur reconnaissent qu’ils manquent de moyens pour organiser correctement le fonctionnement du service public d’éducation.

Suite à une demande du ministère de créer des postes de remplaçants, le DASEN a proposé un 1er projet de carte scolaire avec 198 fermetures et la création de 100 postes de TR (remplaçants). Il y a eu de fortes mobilisations, enseignants, parents, élus et le DASEN est revenu sur une cinquantaine de fermetures. Il reste la création de 60 postes de TR. Si le DASEN en avait prévu 100, c’est qu’il estimait le besoin à ce niveau. Il faut donc au moins 40 postes de plus pour le département, de notre point de vue il en faudrait au moins 300 vu le nombre de classes non remplacées.

Il faut en urgence des postes partout. Les collègues sont épuisés, il y a de plus en plus de collègues en burn-out, en arrêt maladie…
Cette situation a provoqué dans de nombreux départements la colère des parents qui ont décidé de se joindre aux enseignants et de se regrouper afin d’exiger des moyens pour l’ensemble des écoles et pas seulement celle de leur enfant. Puis de se regrouper au niveau national dans un comité interdépartemental. Bien que les instances de carte scolaire soient passées et qu’on les renvoie au mois de juin, les mobilisations se poursuivent. Dans la Haute-Garonne, le comité de défense de l’Ecole compte une quarantaine d’écoles et continuent de grossir.

Le MEN tente de justifier les faits donnés (qui ne sont pas contestés) en expliquant que la situation de la Haute-Garonne est particulière. La délégation réplique en citant tous les dossiers qui ont été confiés et qui font état des mêmes problèmes.

Un représentant de la FNEC FP-FO de Seine-Maritime revient sur la question de l’inclusion à travers la situation concrète de l’école où il exerce : Je suis enseignants à l’école Paul Bert au Havre. Elle est composée de deux écoles élémentaires et une école maternelle.
Nous avons un IPS qui devrait nous classer en REP, or nous n’y sommes pas. Il y a 25 élèves en moyenne par classe, sans changement notable depuis des années.
Notre école a été choisie pour un projet : fusionner nos écoles et deux instituts médico-éducatif (IME) voisins. Les deux écoles élémentaires seront fusionnées en une seule entité, soit 16 classes et 450 élèves avec un seul directeur qui devra gérer l’administratif, les projets pédagogiques et l’inclusion.

Les locaux seront aménagés afin d’accueillir les salles de soins et espaces nécessaires à l’IME, donc nous aurons moins de moyens matériels pour enseigner, mais surtout, le but étant d’externaliser les deux IME, nous accueillerons 75 élèves de ces IME, soit près de 20 % des effectifs !

Déjà actuellement, les équipes de l’association qui gère les deux IME, la Ligue Havraise, sont dépeuplées, les éducateurs spécialisés étant rares et les spécialistes de santé préférant exercer dans le privé où ils sont mieux rémunérés. S’ils sont déjà sur la corde raide pour gérer 75 élèves dans les IME, en quoi la fusion avec nos écoles améliorerait les choses ?

Dans nos écoles, les équipes enseignantes gèrent déjà au mieux 25 élèves par classe, dont des enfants porteurs de handicap (j’ai par exemple 3 notifications MDPH au sein de ma classe), des élèves allophones, un milieu social défavorisé et un dispositif ULIS. Et aucun n’est qualifié CAPA-SH ou CAPPEI, pas même le professeur d’ULIS.

Les moyens de la circonscription sont rachitiques : pas de médecin scolaire, infirmière en mi-temps thérapeutique, RASED incomplet et AESH en pénurie.
Malgré cela, on prétend intégrer deux, trois, quatre élèves d’IME dans les classes ? C’est de la folie !

Aujourd’hui, ce projet est rejeté par les enseignants. Certains dépités demandent leur mutation après parfois plus de 20 ans dans l’école. Les parents ont organisé un mouvement contre cette externalisation sans moyen ni logique. Chacun sait que les élèves en pâtiront : ceux d’IME se verront privé du droit à des soins, ceux des écoles au droit à une scolarité avec des enseignants pleinement mobilisés pour les aider dans leurs difficultés, pas contraints à un enseignement spécialisé qu’ils ne maitrisent pas.

Le MEN ne répond pas dans un premier temps à la problématique posée et tente de justifier le dogme de l’école inclusive à marche forcée. Il s’agirait « d’une demande de la société ». (On se demande bien de qui, si ce n’est du gouvernement qui sait pertinemment qu’un élève en IME « coûte » en moyenne 24000 € tandis qu’il ne « coûte » que 9000 € en classe ordinaire.) Il faut désinstitutionnaliser les ESMS.
(Comprendre les liquider.) 24 000 élèves ne sont pas accompagnés donc on va amener les moyens du médico-social dans les écoles… C’est aussi le but des PAS d’accompagner les enseignants sur le terrain. (C’est surtout le but des PAS d’expliquer aux enseignants comment ils vont se débrouiller seuls sans prise en charge extérieure par des enseignants spécialisés et les personnels de soin nécessaire.)

Devant l’insistance de la délégation qui demande comment un tel projet pourrait fonctionner, les représentants de la ministre indiquent ne pas connaitre ce dossier et s’engagent à l’étudier. La FNEC FP-FO réaffirme sa demande d’arrêt immédiat de cette fusion. Tous les postes et les moyens pour que les ESMS fonctionnent doivent être octroyés.

Un directeur d’école parisien prend ensuite la parole :
Je suis directeur d’école militant au SNUDI-FO 75 et je représente également l’ADE 75, association des directrices et directeurs de Paris. Nous sommes plus de 400 directeurs dans cette association qui revendique depuis 3 mois le maintien du régime actuel des décharges de direction.
La puissance du mouvement de contestation à Paris a abouti à l’annonce d’un moratoire sur la remise en cause des décharges de direction.
Les directeurs parisiens se sont rassemblés de façon massive plusieurs fois pour coordonner leurs revendications que ce soit dans des réunions organisées par l’ADE 75 ou les syndicats.
Les pétitions appuyées par la FCPE, les syndicats et l’ADE 75 pour le maintien du régime actuel de décharge de direction ont déjà récolté 20000 signatures. Des élus de tous bords politiques se sont mobilisés contre cette remise en cause des décharges.
La Ville de Paris a voté pour le maintien de ce régime de décharge et a proposé un financement à partir de la rentrée 2025.
L’annonce du moratoire est donc une première avancée, produit de cette mobilisation des directeurs, des enseignants, des syndicats avec le soutien des parents et des élus nationaux (députés, sénateurs) et municipaux (maires d’arrondissement).

Actuellement une concertation se déroule entre le ministère et la Ville de Paris. L’attente du résultat de cette concertation qui doit normalement se terminer fin avril est insupportable pour les directeurs parisiens.

Avez-vous des éléments à nous communiquer ? Va-t-on vers une solution juridique qui permettra de pérenniser ce régime dérogatoire de décharge de direction ?
L’ADE 75 a transmis au rectorat, aux élus et aux syndicats un document sur la spécificité de la direction d’école à Paris. Je vous remets aussi ce document qui vise à démontrer la légitimité, l’efficacité et la pertinence du régime spécifique de décharges accordés aux directions d’école à Paris. En effet, nous nous sommes aperçus que de nombreux partenaires et interlocuteurs des directeurs parisiens méconnaissent y compris parmi notre hiérarchie la réalité de nos missions de terrains.

Alors que chaque jour plus de cent classes ne sont pas remplacées, l’Académie décide de faire peser sur la brigade de remplacement le moratoire sur des décharges de direction et des quelques annulations de fermeture de classe (27 au total). Ce sont donc seulement 27 postes de brigades qui seront créés à la rentrée.

Nos revendications demeurent :
-maintien du régime actuel de décharge de direction ;
-annulation des 110 suppressions de postes qui conduisent à 170 fermetures de classes ;
-création massive de postes de remplaçants ;
-création immédiate de postes d’AESH pour couvrir toutes les notifications ;
-créations de postes d’enseignants spécialisés pour accompagner les élèves à besoin spécifiques.

Le MEN répond que les concertations devraient aboutir à un accord fin avril. Il indique que la demande de restituer 27 ETP pour compenser la décision de moratoire n’est pas justifiée au vu des effectifs à Paris.

La délégation réaffirme son désaccord. La ministre Borne a décidé ce moratoire et nous nous en félicitons. Pour autant, cette décision ne peut pas être compensée par de nouvelles fermeture de postes ou de classes. La ministre doit a minima octroyer pour Paris ces 27 ETP supplémentaires. Pour
le reste, nos revendications demeurent.

Bilan de cette audience : la FNEC FP-FO s’est indignée que la ministre se soit excusée à la dernière minute, ayant visiblement des sujets plus urgents à traiter. Après avoir imposé un délai de trois semaines sous prétexte de contrainte d’agenda, avoir limité la délégation (en particulier, la présence de parents lors de la dernière audience a été particulièrement mal vécue par le ministère), l’absence de la ministre constitue une nouvelle marque de mépris que nous n’acceptons pas. Ce gouvernement semble avoir très peur de la jonction qui s’opère entre les personnels et les parents d’élèves qui ne demandent l’autorisation de personne et ne respectent aucun calendrier imposé pour se mobiliser.

Dans cette situation, la FNEC FP-FO et ses syndicats apporteront toute l’aide et le soutien nécessaire pour aider les personnels et les parents à s’organiser ensemble, et à chercher sans relâche l’action commune avec les autres syndicats, y compris sous la forme de comités départementaux, pour avancer sur la question du blocage, donc la question de la grève pour gagner.

Dans ce contexte, la journée internationale des revendications des travailleurs prend une place particulière. La FNEC FP-FO invite les personnels à manifester massivement le 1er mai, avec nos Unions Départementales et avec tous ceux qui veulent résister.

Retrouvez le communiqué de la FNEC FP FO : Cliquez ICI

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