Le ministère a réuni hier mercredi 18 décembre les organisations syndicales au sujet de la situation à Mayotte. Après une brève présentation de la situation par le ministère qui a notamment insisté sur la rentrée à Mayotte avec la nécessité de renforcer les équipes, d’acheminer du matériel modulaire, de sécuriser les établissements, les organisations syndicales ont pris la parole.
Un camarade de la FNEC FP-FO de Mayotte est intervenu pour décrire la situation :
« Je suis Principal du collège Bakari KUSU Dzoumogné BANDRABOUA, dans l’Académie de Mayotte. Je suis actuellement en métropole car ce sont les vacances à Mayotte. J’ai une grosse pensée pour la population de Mayotte mais aussi pour tous les collègues de l’Education Nationale en ces temps très difficiles. Cet évènement était prévisible, annoncé mais “impréparé”. La question se pose de savoir si l’Etat a failli à Mayotte.
Mayotte ne se limite pas à Mamoudzou. La situation du bidonville de Kawéni (Mamoudzou) est dramatique mais il existe d’autres endroits où de nombreux bangas (habitations précaires) sont installés sur l’île à Koungou, Bandraboua, Dembéni, Mtsamboro, Combani, Kani Kéli … Je vis un grand décalage entre ce que j’entends ici en métropole dans les médias et les remontées de terrain que j’ai tous les jours de mes collègues chefs d’établissement et des enseignants de mon collège.
Le discours tenu par l’ARS sur l’absence pour l’heure de risques d’épidémies est surprenant : sont-ils montés sur les hauteurs de Longoni, de Kwalé, de Dzoumogné, de Kawéni … pour constater l’horreur sur place des conditions de vie des populations éloignées de tout. Ils sont pour l’instant abandonnés à leur sort et dans les établissements qui accueillent la population les conditions d’hygiène et de sécurité sont déplorables. La peur est installée. Les pillages continuent. A l’heure actuelle, mon logement de fonction a été vandalisé et une grande partie de mes effets personnels ont été volés.
L’urgence n’est donc pas la rentrée scolaire. Elle se fera, mais pas maintenant alors que des établissements à Mamoudzou, Kawénii, Sada, Chiconi et bien d’autres sont très fortement impactés voire rasés. L’urgence, c’est la sécurité sur le territoire, l’eau, l’électricité, la nourriture, les communications terrestre aérienne et maritimes (barges) et les télécommunications.
Permettre aux gens qui ont peur et veulent se mettre à l’abri de partir de Mayotte doit être une priorité.
Tout comme de permettre à ceux qui veulent retourner auprès des leurs à Mayotte. »
La FNEC FP-FO a ensuite rappelé que l’ampleur de la catastrophe qui vient de frapper le 101e département, le plus pauvre de France avec 77 % des 320 000 habitants vivant sous le seuil de pauvreté, et un tiers d’entre eux habitant des bidonvilles, est pour une large part la conséquence de la « faillite
généralisée des administrations publiques, notamment de l’État », révélées par un rapport rédigé en janvier 2022 par l’inspection générale de six ministères (Intérieur, Justice, Affaires sociales, Finances, Éducation nationale et Affaires étrangères).
L’Etat, responsable de cette situation, doit donc maintenant répondre et agir. La FNEC FP-FO a posé des questions et effectué des demandes précises :
1) Combien d’agents sont morts ? Combien ont été blessés ? Combien ont été impactés par des pertes humaines dans leur entourage ou d’importants dégâts matériels comme la perte de leur maison ?
2) Qu’est-il prévu pour répondre aux agents qui demandent à partir de Mayotte ? A ceux qui veulent y retourner ?
3) Quel fonds d’urgence va-t-il être débloqué pour les personnels qui vont devoir faire face à des dépenses exceptionnelles compte tenu de la situation ? Les personnels qui ont perdu leur logement pourront-ils être relogés ? Quand ? Où ?
4) Qu’est-il prévu pour acheminer l’eau, la nourriture, prévenir les épidémies, les émeutes ?
5) Qu’est-il prévu pour qu’il y ait plus de personnels soignants, de personnels de sécurité civile, de cellule de crise (psychologue par exemple), plus d’équipements médicaux quand les personnels nous indiquent que le CHU à Mayotte est largement sous-équipé.
6) La population est accueillie dans les établissements en particulier collèges et lycées. Pour cela, il faut du personnel pour la prendre en charge. Nous demandons qu’il n’y ait aucune pression sur quel que personnel que ce soit pour imposer une astreinte ou une réquisition. Les personnels peuvent être eux-mêmes impactés. Le strict volontariat doit être respecté.
7) Allez-vous intégrer que, dans la situation, la priorité n’est pas à la rentrée ou à la « continuité pédagogique » ?
8) La liaison entre Petite Terre (où il y a l’aéroport) et Grande Terre (où il y a Mamoudzou notamment) est-elle rétablie ?
9) De nombreuses familles de Mayotte ont rejoint La Réunion. Quels moyens sont-ils prévus pour permettre d’accueillir ces personnes, en particulier les élèves qui retourneront à l’école ? La réponse des autorités locales à la Réunion qui invitent les directeurs et chefs d’établissement à ne pas inscrire ces élèves est problématique. Des moyens doivent être dégagés.
L’administration n’a presque pas répondu à nos questions. Pire, elle ne nous semblait parfois ne pas être au bon niveau d’information. Parmi les quelques réponses :
– Il n’y a pas pour le moment de réouverture des vols commerciaux donc la population ne peut pas partir ;
– Il y a une montée en puissance du pont aérien pour délivrer du matériel ;
– Sur les 5 barges qui relient Petite Terre et Grande Terre, 3 fonctionnent ;
– L’usine de désalinisation de l’eau fonctionne mais il y a des problèmes dans le réseau d’approvisionnement donc il n’y a pas d’eau à beaucoup d’endroits ;
– 5000 personnes sont logées dans les établissements ;
– 2 collèges se sont effondrés, à cause de l’humidité ;
– De l’hébergement collectif est installé dans les établissements scolaires.
L’administration a reconnu que ces réponses étaient insuffisantes et communiquera par écrit aux organisations syndicales régulièrement pour répondre aux questions.
La FNEC FP-FO considère également que ces non-réponses sont inacceptables. Elle saisit d’ores et déjà le ministère pour que le fonds exceptionnel d’action sociale soit débloqué pour verser dès maintenant une aide financière à tous les personnels et leur permettre de faire face à la situation. Elle demande que cette aide soit largement réabondée à hauteur des besoins.
La FNEC FP-FO refuse la non-réponse sur la question de la mobilité. Les agents doivent pouvoir quitter l’ile avec leur famille pour se protéger s’ils le souhaitent.
La FNEC FP-FO continue d’intervenir pour porter toutes les revendications des personnels.
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